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Lucile in the sky
26 septembre 2017

Mazo De La Roche - Mary Wakefield

mary wakefield

Chargé de trouver une gouvernante pour les enfants de son frère Philip qui vit au Canada, Ernest Whiteoak engage Mary Wakefield sur sa bonne mine.C'est en arrivant à Jalna que la jeune fille prend la mesure de son inexpérience mais, si ses élèves ne sont pas des anges faciles à mener, leur père n'a rien non plus du vieux veuf ventru qu'elle imaginait.A peine Mary commence-t-elle à se rasséréner que le reste de la famille revient d'Europe et s'alarme ; Mary ne répond guère à l'image rébarbative des gouvernantes traditionnelles.Un complot s'ourdit pour réparer la "gaffe d'Ernest" et faire partir Mary avant que Philip s'avise de se remarier avec elle. C'est compter trop sur la nonchalance de Philip et pas assez sur son entêtement. Il s'ensuit une période mouvementée d'une importance capitale pour l'avenir des Whiteoak de Jalna.


 

Nous voilà avec le troisième tome de la saga de Jalna. Je vous le dis tout de suite, je l'ai beaucoup aimé, bien mieux que les deux premiers ! Les deux personnages principaux sont Mary et Philippe II, et contrairement à Adeline et Philippe I dans les volets précédents, ces deux-là sont tout à fait agréables. On fait un saut de 30 ans depuis le tome 2, et pas mal d'événements se sont déroulés. Il nous manque un tome intermédiaire, qui aurait par exemple raconté la mort de Philippe I, le premier mariage de Philippe II, la vie de jeunes adultes d'Augusta, Nicolas et Ernest, le mariage et le divorce de Nicolas. C'est probablement la plus grande lacune de la saga. Philippe I était un des personnages principaux des 2 premiers romans, et on ne nous dit ni quand, ni comment il est mort, on devine seulement que cet événement a eu lieu au cours des quinze précédentes années, puisqu'il a offert un nouveau perroquet à sa femme quinze ans auparavant. Il y a ensuite eu le mariage de Philippe II avec Margaret, la fille du Dr Ramsay, femme décrite comme caractérielle et ne s'entendant pas du tout avec Adeline. Elle est la mère de Renny, futur personnage central de la saga, et nous ne l'avons jamais vue. Puis ce mariage éclair de Nick, qui fait partie de la légende familiale, il a épousé une fille qui l'a plumé en divorçant. Nicolas a peu d'intrigues, ça aurait été une bonne idée d'intégrer celle-ci à ce troisième opus. Au lieu de ça, Gussie, Nick et Ernest sont trois personnages assez effacés, en toile de fond de ce romans, spectateurs de la bataille entre leur mère et leur jeune frère. Pour les trois enfants que nous avions appris à connaître et à aimer dans "Matins à Jalna", c'est frustrant. Augusta est reléguée au rôle de vieille tante à cheval sur les principes, Nicolas est presque transparent, et Ernest fait figure humoristique à toujours défendre sa vieille maman. A côté d'eux, Philippe est un homme qui sait ce qu'il veut et entend ne pas se laisser marcher sur les pieds par son dragon de mère, ça change.

Nous entrons donc dans ce livre par un personnage extérieur, Mary, qui pose un regard neuf sur la maisonnée et ses traditions du vieux monde. Les Whiteoak vivent au Canada depuis quarante ans mais, mis à part Philippe, sont toujours ancrés en Angleterre (où vit Augusta, et partiellement Nicolas et Ernest). Mary, elle, est une anglaise moderne et ne comprend rien à ces coutumes. On fait ensuite connaissance avec les deux enfants à qui elle est venue enseigner, Meg et Renny orphelins de mère depuis tout petits. Le traducteur français s'embrouille dans les dates, mais en lisant la version anglaise il semble que Margaret soit décédée lorsque Meg et Renny avaient 4 et 2 ans. Meg est une petite fille capricieuse et jalouse tout à fait antipathique. On pourrait le lui pardonner dans le contexte du livre, mais je sais qu'elle restera ainsi plus tard, je n'ai jamais tellement aimé Meg. Renny en revanche est un gamin franc et affectueux, je l'ai tout de suite bien aimé. Vient alors Philippe, maître de Jalna, pas tellement à cheval sur les principes, qui met la main à la pâte à la ferme et mène une vie plutôt simple dans son beau domaine. Philippe et Mary s'entendent tout de suite bien, Philippe est avenant, Mary est très jolie, il aime ses enfants, elle fait de son mieux avec eux, elle lui lit des poèmes dans l'herbe. Puis arrive la Famille, avec un grand F. Et alors on assiste au procès de Mary, elle s'habille trop bien, est trop jeune et jolie, fume des cigarettes et met du rouge sur ses lèvres. Alors pour nous il n'y a pas de quoi fouetter un chat, mais pour 1890, c'est une affreuse chasseuse d'hommes !  Ca ne plaît pas à Adeline qui refuse de voir son fils de 35 ans se remarier, elle ne s'entendait pas du tout avec sa précédente femme, pas question d'avoir une nouvelle rivale dans la maison. Ou alors, au moins une jeune fille avec une belle dot, mais Mary n'en a pas. A partir de là, Adeline va manoeuvrer pour jeter Philippe dans les bras d'une jeune fille riche et Mary dans ceux de Clive Busby, un ancien du coin parti vivre à l'autre bout du pays. On dirait que les Busby ne sont dans le voisinnage que pour le bon plaisir d'Adeline qui tente de leur faire épouser les professeurs de sa descendance. On se souvient  30 ans auparavant d'Amelia Busby qui épouse Lucius Madigan (le précepteur de Gussie, Nick et Ernest), et de ce dernier qui prend la fuite au bout de deux jours. Bon je vous spoile un peu et vous annonce que ce Busby-là n'aura pas plus de réussite que la précédente. J'ai particulièrement aimé la façon dont Philippe tient tête à sa mère et la remet à sa place. Dans mon souvenir, il est le seul (avec son père) à oser faire ça dans toute la saga, et ça fait du bien à la vieille Adeline qui pense pouvoir régenter la vie de tout le monde. Les scènes familiales sont savoureuses, j'aime la manière dont ils se moquent les uns des autres, les disputes des Whiteoak sont mes moments préférés, pas de langue de bois, tout le monde en prend pour son grade, et dans ce volume Philippe aime bien remettre sa mère à sa place. Ce roman est frais et léger, Philippe est sympathique, on a envie qu'il soit heureux, il est un papa aimant (qui ne bat pas ses enfants pour un oui, pour un non comme son père), et d'un naturel plutôt charmant. Mary est une jeune femme qui n'a plus d'attache et se retrouve un peu perdue, elle est jugée pour des choses qui ne nous choquent pas tellement, on a envie que tout se termine bien pour elle aussi. Et on aimerait bien mettre un coup de pied dans le derrière de la vieille Adeline.


 

"Adeline ignora cette déclaration et demanda :

- Mr Pink savait-il que j'ignorais (spoiler, phrase tronquée !)

- Il ne savait rien. (note de la blogueuse: répondit Philippe)

- Si je croyais qu'il le savait, cria-t-elle, je le chasserais et il ne me faudrait pas trois semaines pour cela ! Trois minutes me suffiraient !

- Maman, vous n'êtes pas un achevêque, ni même un évêque, dit Philippe tranquillement.

- C'est ton père et moi qui avons construit cette église.

- Est-elle encore à vous ?

- Philippe, protesta Ernest, as-tu fini d'être grossier à l'égard de maman ?

- Avez-vous tous fini de prendre ma défense ? répliqua Adeline. Je n'ai besoin de personne pour me défendre contre ce jeune gredin doublé d'un ingrat."

 


 

Dans la toile de fond générale du voisinnage, j'essaie de repérer qui est qui dans chaque famille. Clive Busby est le fils d'Isaac que nous avons aperçu dans les deux volumes précédents, lui-même un des cinq enfants d'Elibu. Il est précisé qu'une tante Busby, Abigail une des soeurs d'Isaac, vit à 30 miles de Jalna, on ne sait pas si le reste de la grande famille a déménagé ou s'il reste des Busby dans le coin. Probablement pas car Clive séjourne chez les Vaughan. Chez ces derniers Robert, le fils du couple Vaughan qui a accueilli Adeline et Philippe dans le pays, a eu un enfant sur le tard (vers 45-50 ans selon mes calculs), c'est le jeune Maurice qui a l'âge de Meg et dont on entendra plus parler par la suite. Chez les Lacey, la famille actuelle est celle de Guy, le jeune homme dont Augusta était amoureuse dans "Matins à Jalna", il s'est marié et a eu deux filles Ethel et Violet qui ont presque trente ans. On ne nous dit pas ce que sont devenus les parents de Guy et les deux petites soeurs qui avaient l'âge de Philippe. Oui, je sais, parfois je suis mieux les personnages de Jalna que l'auteur elle-même... Wilmott a tout bonnement disparu, on apprendra dans 12 tomes qu'il est mort en sauvant Philippe II d'une noyade certaine lorsqu'il était enfant. Philippe avait alors promis d'appeler un de ses fils James Wilmott. Bon, spoiler, aucun de ses fils ne s'appelle comme ça, ingrat ! Et concernant la famille d'Adeline, elle parle parfois de son père Renny qui est maintenant mort et qui aurait élevé onze enfants. On oublie donc que 4 sont morts en bas-âge sur le tas ? Et Adeline parle encore de ce que son père aurait fait à elle ou ses frères, ce qui confirme ma théorie disant que la soeur Judith qui apparait au début de "Naissance de Jalna" a été oubliée immédiatement après avoir été mentionnée.

 

 

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22 septembre 2017

Mazo De La Roche - Matins à Jalna

matins à jalna  matins à jalna 2

 

 

 

 

Adeline et Philippe Whiteoak ont invité Curtis et Lucy Sinclair à séjourner chez eux pendant la guerre qui vient d'éclater aux Etats-Unis. Les Sinclair sont Sudistes, et l'esclavage n'est pas admis au Canada. Mais Adeline a la fougue des natifs d'Irlande et Philippe la célèbre obstination anglaise, si bien qu'ils affronteront la réprobation de leurs voisins sans se troubler.


Nous revoilà en compagnie des Whiteoak pour le 2e tome de la saga. Une petite dizaine d'année a passé, les enfants sont désormais quatre et la famille est bien installée dans sa province et dans sa maison. Augusta balance entre les manières qu'une jeune fille doit acquérir au 19e siècle et les jeux d'enfants avec ses frères. Nicolas est un gamin franc et bien droit dans ses bottes. Ernest, plus délicat est le petit troisième espiègle à protéger, à la santé fragile. Et enfin le bébé Philippe avec ses belles boucles blondes et le préféré de ses parents et n'aspire qu'à grandir pour rejoindre ses frères et soeur dans leurs aventures. Philippe (le père) et Adeline manifestent dans ce tome un peu plus d'affection pour leurs enfants que dans le précédent, et certaines scènes sont plutôt sympas à lire.

La première intrigue de ce tome tourne autour de la venue d'amis du Sud des Etats-Unis, qui fuient leurs plantations de cotons avec leurs esclaves dans le contexte de guerre de sécession. Ce sera bien une des seules fois de la saga que les événements extérieurs auront un impact sur la petite vie à Jalna. Et encore, les Whiteoak y prennent bien peu parti. Les Sinclair sont donc accueillis à Jalna, au grand damne des voisins, notament les Busby, qui prennent activement parti pour le Nord. Adeline et Philippe s'intéressent peu à la cause et se contentent de tremper un orteil du côté du sud en constatant que les esclaves des Sinclair sont bien traités et ne veulent pas quitter leurs maîtres. ils autorisent alors les Sinclair à organiser des réunions secrètes la nuit à Jalna pour conspirer avec leurs alliés. Oui, c'est un peu gênant, les Whiteoak sont plutôt pro-esclavage... Au final la guerre de Sécession sert de contexte mais est très peu exploitée, à part comme raison au séjour des Sinclair et à l'éloignement du reste de la petite communauté du coin. On nous montre des esclaves bien traités et un couple de riches exploitant qui perd sa fortune, sans parler le moins du monde de l'autre côté du miroir. Oui, bon, soit... Oublions !

La deuxième partie du récit s'attache aux enfants Whiteoak, principalement aux trois grands qui ont entre 10 et 14 ans. La vie dans le grand Nord, le précépteur irlandais un peu alcoolique, les pique-niques au bord du lac et les balades en raquettes. Ca donne presque envie d'avoir nous aussi grandi dans ce petit paradis. Presque, parce qu'on n'a pas tellement envie non plus de se faire battre à coups de ceinture quand quelque chose ne plaît pas aux parents ... On fait connaissance avec ces trois enfants et leurs personnalités bien distinctes. C'est amusant car vu l'écart qui se situe entre les tomes 2 et 3, puis 3 et 4, nous ne les reverront ensuite que presque vieux. Et sans vouloir trop spoiler non plus, ne vous attachez pas trop à Wilmott, vous n'aurez plus de nouvelles de lui ensuite. Il disparait entre les tomes 2 et 3 sans explications, avant d'apprendre au détour d'une page du tome 15 qu'il est mort noyé en sauvant le petit Philippe dans un ravin. C'est le problème d'avoir écrit les livres dans le désordre....

J'ai préféré ce tome au 1er, Adeline et Philippe m'ont été plus sympathiques, malgré cette histoire d'allégeance au Sud. J'ai bien aimé Philippe surtout, qu'on connait finalement assez peu car il disparait relativement tôt dans la saga. J'ai entamé le tome 3, Mary Wakefield, et pour l'instant je l'aime encore mieux que Matins à Jalna.

9 septembre 2017

Philippe Labro - On a tiré sur le président

labro

«"On a tiré sur le Président", c'est la phrase que toute l'Amérique a prononcée le 22 novembre 1963, jour de la mort de JF Kennedy. Je l'ai entendue sur la côte Est des États-Unis où je me trouvais. J'ai filé à New York pour prendre le premier avion pour Dallas. Sur place, j'ai vécu l'événement dans les couloirs du quartier général de la police. J'ai vu Oswald, j'ai rencontré Jack Ruby, la veille du jour où il assassina Oswald. J'ai connu les flics, la presse, la confusion, le Texas, les mystères.»

Pour la première fois, Philippe Labro livre son récit authentique et passionnant - accompagné de sa vision de la personnalité de JFK et de sa conviction sur qui a «tiré sur le Président».


 

Il y a des milliers de livres sur les Kennedy, le choix n'est pas simple. J'avais choisi de lire celui-ci car je ne voulais pas d'un pavé retraçant toutes les théories et le rapport Warren, ni quelque chose de trop factuel sans ressenti, et encore moins un roman avec de mauvaises bases historiques. Le livre de Philippe Labro m'a alors paru être un bon compromis, et je n'ai pas été déçue.

Il s'agit de l'histoire réellement vécue par Labro la semaine qui suivit l'assassinat de JFK. L'écrivain est alors un jeune journaliste, qui se retrouve par hasard au coeur de l'action. Il connait un peu les Etats-Unis, et lorsqu'il apprend la nouvelle "On a tiré sur le président !" sur un campus, il se dirige vers Dallas pour avoir des scoops. Labro nous y livre son ressenti de l'époque et les conclusions qu'il tire de ce qu'il a vu et lu 50 ans plus tard lorsqu'il écrit ce livre, il est passionné par l'affaire Kennedy, il a même été cité dans le fameux rapport Warren de 888 pages qui enquête sur l'assassinat. En lisant ses pages, on a l'impression d'avoir été là-bas avec l'auteur. Il nous transporte dans le Texas de 1963, ça sent le foin et le cowboy. Puis il nous emmène dans les coulisses des jours qui ont suivi l'assassinat de Kennedy au commissariat de Dallas, on le suit, petit jeune qui essaie de se frayer un chemin au milieu des grands journalistes, on campe avec lui dans les couloirs, on essaie d'apercevoir Oswald. Ca sent le cigare, la crasse et l'adrénaline du scoop, on imagine les vieux appareils photos à gros flashs et les accointances qui se créent dans le commissariat. Avec Labro on fait connaissance avec Ruby avant qu'il ne tire à son tour sur Oswald, jettant à tout jamais le sceau du mystère sur l'affaire. Paru en 2013, c'est plutôt amusant de voir comment se passaient les fils d'infos 50 ans auparavant, voir les journalistes devoir quitter le lieu où il faut être pour pouvoir transmettre à temps par téléphone leur compte-rendu au journal, et parfois à cause de ça rater un événement majeur.

Le livre n'est pas bien gros, celui qui n'est pas tout à fait novice dans l'affaire Kennedy n'y apprendra pas grand chose, mais Philippe Labro a, je pense, atteint son but. Celui de nous transporter avec lui dans l'Amérique du 23 novembre 1963, dans le bazar qui régnait ce jour-là à Dallas, au commissariat où était enfermé l'homme qui avait tiré sur le président. Labro nous fait aussi part de son propre avis concernant les théories du complot et c'est plutôt intéressant.

 

8 septembre 2017

Yaa Gyasi - No Home

no home

 

XVIIIe siècle, au plus fort de la traite des esclaves. Effia et Esi naissent de la même mère, dans deux villages rivaux du Ghana. La sublime Effi a est mariée de force à un Anglais, le capitaine du Fort de Cape Coast. Leur chambre surplombe les cachots où sont enfermés les captifs qui deviendront esclaves une fois l’océan traversé. Effi a ignore que sa soeur Esi y est emprisonnée, avant d’être expédiée en Amérique où des champs de coton jusqu’à Harlem, ses enfants et petits- enfants seront inlassablement jugés pour la couleur de leur peau. La descendance
d’Effia, métissée et éduquée, connaît une autre forme de souffrance : perpétuer sur place le commerce triangulaire familial puis survivre dans un pays meurtri pour des générations.

Navigant brillamment entre Afrique et Amérique, Yaa Gyasi écrit le destin d’une famille à l’arbre généalogique brisé par la cruauté des hommes. Un voyage dans le temps inoubliable.
 

No Home est un très beau roman, fait de multiples tranches de vies entre l'Afrique et l'Amérique, le destin de nombreux personnages d'une même famille qui ne se connaissent pas, au cours de deux siècles. Deux siècles c'est très long, chaque chapitre est consacré à un personnage, un descendant d'Effia puis un descendant d'Esi, leurs vies sont très dissemblables et pourtant tous vivent une souffrance, celle de la cruauté des autres, et celle d'être déraciné.
La branche d'Effia est métisse, descendant d'une ghanéenne et d'un colon anglais. Destinés à perpétuer le commerce d'esclaves, il leur faudra par la suite se réappropier leur terre et le droit d'y vivre, tout en restant pour les autres des blancs. On assiste en filigrane à la question de la colonisation, de la guerre entre les Ashantis et les Fantis, du commerce des esclaves, de l'identité des métisses, du racisme anti-blanc. Les descendants d'Effia se suivent et ne se ressemblent pas, et c'est un plaisir de suivre leurs destinées à travers le Ghana du 18e, 19e et 20e siècle, du fils de colon envoyé faire des études en Angleterre, à celui qui ne souhaite que gommer son ascendance blanche et cultiver un petit lopin de terre en se faisant oublier. La branche d'Esi se disperse en Amérique, esclaves dans des champs de coton, des générations à chaque fois arrachées à la précédente, aucun n'ayant pendant longtemps aucune idée de l'histoire de ses parents, pas d'histoire, et pourtant des destins qui se suivent et se répètent. Cette fois en toile de fond c'est la guerre de sécession et la fin de l'esclavagisme, le racisme anti-noir. Les deux branches de cette famille sont meurtries par le commerce des esclaves et le racisme, en miroir.
J'ai parfois été déçue de la brièveté des chapitres, chaque génération n'ayant droit qu'à deux chapitres : un au Ghana et un en Amérique. On s'attache à des personnages, puis on se retrouve propulsé dans un autre pays au chapitre suivant, et des années plus tard lorsqu'on retrouve le pays précédent.  Les ellipses sont importantes, il nous reste à imaginer ce que sont devenus Kojo et ses enfants, l'enfance de Yaw... Et pourtant elles sont indispensables, car il serait totalement impossible de raconter l'histoire de ces 14 personnages sans ces ellipses. No Home est un livre qui se relit sous plusieurs angles, il est complexe et plein d'ingrédients différents. Il y a la question de la liberté, de l'intégration dans un pays, des violences entre les hommes, évidemment le rascisme. Mais principalement je crois que ce que j'en ai retenu c'est l'héritage des générations précédentes, l'impact que les faits et gestes des aînés ont sur leur descendance. J'ai aimé également voir les évolutions de la société, passer des champs de cotons du sud à Harlem, et réaliser que la marche la plus importante avait eu lieu à la fin du 20e siècle.
Ironiquement en anglais le livre s'appelle Homegoing, ce qui est plus optimiste. En version originale les personnages cherchent donc à rentrer chez eux, alors que dans la version française, ils sont tout simplement déracinés, même ceux qui sont restés sur leurs terres. No home est un livre dense mais qui se lit très rapidemment, n'hésitez pas !
6 septembre 2017

Mazo De La Roche - La naissance de Jalna

La naissance de Jalna 2

Quand ils se rencontrent, c'est le coup de foudre. Pour Philippe Whiteoak, toutes les femmes sont des laiderons stupides auprès de la jolie Adeline Court. Aux yeux de la pétulante Irlandaise, nul homme n'a plus belle prestance que le capitaine Whiteoak. Leur mariage dépasse en splendeur ce qu'a connu la ville indienne de Jalna. Mais la naissance d'Augusta met fin à leur vie brillante - et l'ennui vient.
La mort de leur oncle de Québec qui leur laisse une fortune considérable les décide à quitter les Indes. Ils font halte en Angleterre, puis en Irlande. Après un faux départ et maints incidents, leur voilier les conduit à Québec, d'où ils partent s'installer dans les verts espaces de l'Ontario.


 

Relire les Jalna, c'est quelque chose que j'ai eu l'intention de faire plusieurs fois au cours de ces quinze dernières années. La curiosité m'a finalement poussée à m'y mettre. Curiosité de redécouvrir une saga qui m'a passionnée alors que j'étais encore en primaire, et que j'ai lue et relue d'une façon tout à fait désordonnée tout le long de mon adolescence, changeant régulièrement de personnage favori au fur et à mesure que je grandissais. Je l'avais initialement lue dans le désordre, commençant par le tome 4, le premier "La Naissance de Jalna" est donc un des derniers que j'ai lu, et il ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable.

Au final, j'ai bien plus apprécié "La naissance de Jalna" à l'âge adulte, mais je ne suis pas sûre pour autant qu'il m'aurait donné envie de lire la suite si je ne savais pas déjà ce qui m'attendait. Il faut savoir que cette saga a été écrite dans le désordre le plus complet, et que lorsque Mazo De La Roche a entreprit l'écriture de celui-ci, elle avait déjà écrit 8 des tomes suivants. L'histoire qu'il raconte est déjà connue, et les lecteurs sont déjà attachés à Adeline qui en est le personnage principal, c'est un prequel, et dans ce sens je trouve qu'il est fait assez peu d'efforts pour nous faire aimer le couple mythique. Or il s'agit là bien de la base de la saga, qui relatera plus tard l'histoire des petits-enfants d'Adeline et Philippe. Tout le long des tomes suivants on nous répètera à quel point ces deux-là étaient courageux, exemplaires. En effet ils sont jeunes, beaux, ont de l'argent et partent à la conquête du nouveau monde, mais ils sont loin d'être sympathiques, au début tout du moins. On les voit quitter l'Inde où ils étaient établis, passer par l'Angleterre et l'Irlande et débarquer à Québec, avant de faire cap vers l'Ontario et ses grands lacs. On connaissait déjà l'histoire de la traversée abominable de l'Atlantique, d'Adeline malade et de Philippe obligé de prendre soin de sa fille qu'il pique malcontreusement avec une épingle à nourrice, racontée des années plus tard dans les tomes suivants (déjà écrits donc), et voilà qu'on y assiste.

Ce qui m'a plu dans ce "prequel" ce sont les personnages secondaires. J'ai aimé faire connaissance avec la famille d'Adeline, le vieux Renny, Conway et Sholto. Devenue âgée, Adeline ne cessera d'encenser l'Irlande et sa famille auprès de ses petits-enfants, on s'aperçoit finalement en la voyant avec eux qu'elle les critiquait aussi vertement qu'elle y était attachée. La dynamique qu'elle a avec son père et ses frères est intéressante, j'aurais aimé la voir plus longtemps en Irlande. Et en parlant des Court (la famille d'Adeline donc) j'ai parfois l'impression de suivre mieux que l'auteur le fil de son récit, elle s'emmêle les pinceaux dans le nombre de frères et soeur qu'a Adeline. Il est dit à plusieurs reprises que sa mère a eu 11 enfants, puis deux fois que 4 sont morts en bas âge, et une fois 5 morts en bas-âge.  Il y aurait donc 6 ou 7 enfants Court, or Adeline mentionne ses 5 frères, et une soeur apparait en début de livre. J'ai donc essayé de m'y retrouver et voilà de qui me semble être constituée la fratrie Court : Judith (soeur mentionnée en début de récit puis... plus jamais), Adeline, Timothée (le petit frère apparaissant lors du séjour en Irlande), Conway et Sholto (les deux frères qui partent sur le bateau avec les Whiteoak), Esmond (un frère qui vient les rejoindre à Jalna pour le baptême d'Ernest), "une frère marié" non prénommé (apparaissant en Irlande lorsqu'il vient dîner chez ses parents). Je pense que Mazo De La Roche a complètement oublié qu'elle avait donné une soeur à Adeline et que cela explique qu'elle se soit perdu dans les comptes. Bref, les frères d'Adeline sont des personnages agréables, qui ne sont pas coincés dans les coutumes de la vieille Angleterre du 19e siècle. Attention, petit scandale lorsqu'ils organisent une soirée baignade mixte au lac ! J'ai aussi beaucoup aimé Wilmott ( James dans la version originale, Jacques dans la version française de "La naissance de Jalna", puis James à nouveau dans la version française du second tome... J'ai l'impression que personne n'a relu ces livres avant de les imprimer parfois !). Adeline est une caricature d'elle-même, orgueilleuse à point, égoiste, elle met au monde des enfants non désirés qu'elle tolère à peine. Son personnage commence à s'adoucir auprès de James Wilmott qui devient un ami proche au Canada, elle commence enfin à faire quelque chose pour quelqu'un d'autre qu'elle-même et se fiche du qu'en dira-t-on, c'est là que j'ai commencé à retrouver l'Adeline dont je me rappelais. Certains passages concernant Adeline sont tout de même risibles, comme celui où elle essaie de s'évanouir sur commande en voyant pour la première fois le terrain sur lequel Jalna sera bâti. Philippe m'a paru moins caricatural, mais il est moins présent qu'Adeline, ce sont à ses états d'âmes à elle que nous assistons. Face à cette jeune Adeline, je ne pouvais pas m'empêcher de la comparer avec son arrière-petite-fille qui sera son portrait craché, eh bien je préfère clairement la seconde ! Adeline II sera plus généreuse et plus sensible que son arrière-grand-mère. Alors que les générations suivantes passeront leur temps à aduler Adeline et Philippe, il me semble au contraire que la famille s'est améliorée avec les années. Par ailleurs j'ai bien aimé voir les ancêtres de tous ceux qui constitueront la petite communauté des prochains livres, les Lacey, les Busby, les Vaughan, les Pink le Dr Ramsey (grand-père maternel du futur personnage principal des tomes suivants)...

La saga de Jalna raconte l'histoire d'une famille d'origine anglaise et irlandaise, s'installant dans le Canada sauvage au milieu du 19e siècle, le couple pionnier mit en scène dans "La naissance de Jalna" et les 4 générations suivantes, mais je ne crois pas qu'elle soit faite pour être lue dans l'ordre chronologique. Les trois premiers font office de prequels, racontant les 50 premières années en pointillés, et les 13 suivants relatent de façon bien plus détaillée les 50 suivantes. Je pense que le plus logique est de commencer au tome 4 "Jeunesse de Renny" puis de continuer jusqu'au tome 16 puisqu'ainsi il ne se passe pas plus de 4 ans entre les intrigues de chaque livre, puis de lire les trois premiers après. C'est ce que j'ai fait à l'époque et ça me semble avoir plus de sens que de commencer par celui-ci qui est plein de clins d'oeils à la suite que l'on est censé déjà connaître. En tout cas, ça me fait plaisir de replonger dans la vie des Whiteoak.

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