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Lucile in the sky
31 décembre 2020

Fred Vargas - Pars vite et reviens tard

885965196

 

 

On l’a peint soigneusement sur les treize portes d’un immeuble, dans le 18e arrondissement de Paris : un grand 4 noir, inversé, à la base élargie. En dessous, trois lettres : CLT. Le commissaire Adamsberg les photographie, et hésite : simple graffiti, ou menace ?

À l’autre bout de la ville, Joss, l’ancien marin breton devenu crieur de nouvelles est perplexe. Depuis trois semaines, une main glisse à la nuit d’incompréhensibles missives dans sa boîte à messages. Un amuseur ? Un cinglé ? Son ancêtre murmure à son oreille : "Fais gaffe à toi, Joss. Il n’y a pas que du beau dans la tête de l’homme."


 

Je crois que c'est le premier "Adamsberg" que j'ai lu, il y a une grosse dizaine d'années. Ce n'est pas le premier chronologiquement parlant, mais c'est là que naît la brigade. Dans les deux précédents, il n'y a qu'Adamsberg et Danglard, travaillant dans un commissariat de quartier. Ici, Adamsberg est nommé à la tête de la brigade criminelle dans le 13e, il emmène Danglard et ses valises, dans ses valises il y a Camille. A part ça, on repart à peu près de zéro. Les locaux sont neufs, les logiciels ne marchent pas encore très bien, on n'a pas posé de barreaux sur toutes les fenêtres, les cellules sont encore vierges de criminels. Quelque part, c'est ici que tout commence. Fred Vargas y esquisse des portraits de lieutenants, brigadiers, qui semblent encore un peu interchangeables, mais que nous allons apprendre à connaître avec Adamsberg, au fil des livres. Il y a Retancourt, qui court plus vite qu'Estalère, Estalère, à qui on n'a pas encore confié la mission de faire parfaitement les cafés de la brigade, Favre et ses commentaires tendancieux, et puis Justin, Voisennet, Mordent, Noël, même la Boule qui ne dort pas encore sur la photocopieuse. Tout est là, au stade embryologique et ne demande que du temps et des pages pour se développer.

Le récit met du temps à se tourner vers la brigade d'ailleurs, elle est occupée à être en travaux, elle tarde un peu à prendre du service. Alors on commence par le Crieur de Montparnasse et on s'attarde un peu sur les clients du Viking. Joss, un breton échoué à Paris a remis au goût du jour le métier de Crieur, et c'est toute une vie de quartier qui s'organise autour de ces criées, de messages d'amour à des livraisons de carottes, Joss déclame un peu de tout, selon ce qu'on lui fournit. Même des textes anciens sans queue ni tête, et évidemment, c'est là que ça va devenir l'affaire de la police, car ces messages qui détonnent ne sont pas vraiment inoffensifs. J'ai bien aimé, comme toujours, cette galerie de personnages que l'auteur nous fournit, tous hauts en couleurs, tous valant le détour, chacun avec ses petits secrets, ses cadavres dans le placard. Et pourtant, j'ai parfois eu hâte que ça avance, qu'on quitte un peu le quartier Edgar Quinet et qu'on aille s'accrocher aux semelles du commissaire, il m'a manqué pendant ces premiers chapitres qui posent le décor. Et puis au fur et à mesure que les choses se mettent en place, quand il devient évident qu'il ne s'agit plus seulement que de messages alambiqués, que le lien se fait avec ces curieux immeubles qui se retrouvent tagués de 4 à l'envers sur chacune de leurs portes, la caméra va s'éloigner de Joss Le Guern, le Crieur, et ne va plus guère quitter la brigade. Il s'agit bel et bien d'une affaire criminelles et plus seulement d'une intuition fumeuse d'un commissaire qui s'ennuie, on a un corps sur les bras !

J'avais oublié qu'on retrouvait brièvements les Evangélistes dans ce livre. J'avoue avoir un un grand sourire quand j'ai lu qu'Adamsberg allait parler à Saint-Marc, l'impression de tomber par hasard sur un vieil ami. J'aurais presque pu, à travers les pages, lui taper dans le dos et lui dire "Comment tu vas ? Ca fait longtemps que je ne t'ai pas vu !". Oui, c'est le genre de relation que j'ai avec les personnages de mes romans préférés. J'ai fait pareil lorsque Saint-Mathieu est apparu, au détour d'une page de "Quand sort la recluse". Les Evangélistes... C'est par eux que j'ai découvert Fred Vargas et je ne le regrette pas. Bref, on retrouve Marc, parce que le récit fait écho au moyen-âge, il y a toujours une part d'Histoire dans ces romans, on apparend forcément quelque chose, ça me plaît. Car figurez-vous que la rumeur court que le tueur auquel nous avons affaire tue par la Peste. Oui, la Peste rien que ça, maladie éradiquée depuis 1920... Je ne vous en dirai pas plus, à part que c'est là que Marc Vandoosler, médiéviste-femme-de-ménage va nous apporter ses lumières à plusieurs reprises. L'enquête a ce qu'il faut d'insolite, d'inextricable et de romanesque, du classique qui fonctionne bien avec cette autrice.

Et puis il y a Camille. Si nous sommes sur la naissance de la Brigade dans ce livre, je ne vous cache pas que nous arrivons plutôt sur la fin de l'histoire avec Camille. Il faudra revenir en arrière pour voir étayer ce personnage, qui là semble plutôt sur un quai qui s'en va. Elle n'est pas encore partie-partie, mais elle n'est pas non plus sur la bonne pente. je crois que Camille fait partie des débuts des enquêtes d'Adamsberg, leur mythologie à tous les deux s'est construite jusqu'à ce tome-là. On la reverra, mais pas assez à mon goût. J'attends toujours d'avoir de ses nouvelles dans les dernières enquêtes, savoir si elle a fini par trouver l'homme aux labradors... Dans le suivant "Sous les vents de Neptune", on tournera vraiment cette page. Sans aucun rapport, on retrouvera aussi Clémentine, découverte dans ce livre-là. J'aime les personnages filés sur plusieurs tomes. Je crois qu'à partir de Pars vite et Reviens tard, il est bon pour la narration de lire les livres dans leur ordre chronologique, sous peine de se voir voler le suspens de certaines intrigues. Mais commencer les Adamsberg par celui-ci, et non par "L'homme aux cercles bleus" me paraît vraiment une bonne idée, parce que les enquêtes d'Adamsberg ne sont pas tout à fait les mêmes sans toute sa brigade.

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